Des paysan·ne·s témoignent de leur gestion de la crise du covid. On vous tient également informé·e·s des actualités relatives à l’accompagnement des paysan·ne·s en AMAP et des paysan·ne·s porteur·se·s de projet.
Organisation des fermes en temps de crise
La crise du covid a été une période éprouvante pour les paysan·ne·s. Nous tenions à les remercier et à les féliciter ! Avec la fermeture des marchés, la suppression des ventes à la ferme, l’interruption des commandes en restauration collective, cela a été très compliqué pour certain·e·s. La situation était bien entendue différente d’une ferme à l’autre, selon les éléments suivants : type d’activité, recours à une main d’oeuvre saisonnière, part des AMAP dans les débouchés … En tout cas, nous pouvons dire que pour la grande majorité, les AMAP ont garanti un cadre sécurisant en ce temps de crise.
Préparation des paniers en amont, conditionnement spécifique, perte de main d’oeuvre sur la ferme… Il a fallu pour autant s’adapter et le respect des mesures de précaution a ajouté une charge de travail supplémentaire conséquente pour les paysan·ne·s.
Nous avons recensé plusieurs témoignages au sein du réseau afin de relayer leur voix et montrer la diversité des expériences : François Plotton, maraîcher à Bonneuil-en-Valois dans l’Oise ; Xavier Philippe, éleveur de chèvres à Prouville dans la Somme ; David Cottret, éleveur bovin, porcin et de volailles dans le Cambrésis (Nord) ; Grégory Delassus, éleveur bovin, porcin et ovin dans l’Avesnois (Nord) ; Justine Bertoux, maraîchère à Audembert dans le Boulonnais (Pas-de-Calais).
- Xavier Philippe, éleveur, Chèvrerie du Moulin de Prouville (Somme)
A la question « quels ont été les effets du confinement sur ton activité ? », Xavier nous a répondu, enthousiaste : « que des bons effets ! ». L’attrait plus important pour les produits locaux s’est directement ressenti dans ses ventes : il a vendu plus que d’habitude et a gagné de nouveaux contrats dans toutes ses AMAP. Cette augmentation de la demande s’est traduite par une demande plus forte en produits frais et un besoin de ré-organiser sa production (« plus de frais, donc plus de travail »). Xavier n’a pas pu faire autant de tommes que prévu car le lait est parti dans les produits frais. Face à la quantité de travail supplémentaire, il a décidé de préparer les fromages la veille. Il a aussi dû revoir l’organisation de ses livraisons, perturbée par la modification de lieux de livraison de certaines de ses AMAP. Malgré son enthousiasme, Xavier reconnaît qu’il a eu un coup dur au début du confinement : toutes les sessions d’accueil pédagogique à la ferme ont été supprimées, ce qui a engendré une perte financière non négligeable. Xavier relativise en se disant que cette perte a été un peu compensée par l’augmentation des ventes. Il y a également eu une surcharge de travail avec l’interruption de la venue des stagiaires sur la ferme, mais ces derniers reviennent bientôt ! Finalement, le bilan est très positif. Toutes ses AMAP ont continué à fonctionner, même si certains débouchés ont temporairement été suspendus (restaurants, marché, fromagerie des halles). Xavier souhaitait demander un agrément européen pour diversifier ses intermédiaires mais le confinement l’a conforté dans ses choix actuels. Aujourd’hui, il commercialise plus de la moitié de sa production en AMAP : « je vis grâce aux AMAP et je m’en rends encore plus compte aujourd’hui ».
- David Cottret, maraîcher et éleveur, Elevage du regard (Cambrésis, Nord)
Pour David et l’Élevage du regard, la première semaine de confinement a été « un moment de stress » ne sachant pas s’ils pourraient écouler leur production. Finalement, de nombreux citoyens ont souhaité acheter leurs produits. La particularité de cette ferme est qu’elle a un atelier élevage ainsi qu’un atelier maraîchage en AMAP. Durant cette période, David a livré en AMAP, organisé des livraisons à domicile exceptionnelles pour les personnes vulnérables et les personnels soignants, continué la vente dans son magasin à la ferme et a pu faire des marchés avec un fonctionnement à la commande. David nous précise que l’un des abattoirs s’est réorganisé avec un abattage une fois par semaine (au lieu de 2), ce qui peut poser des problèmes tels qu’une date limite de consommation plus courte. Ils ont aussi connu une autre mésaventure : les services vétérinaires n’ont pas pu se déplacer pour le rappel de vaccin de leur âne. Leur brave ami en charge de l’aspect « traction animale » sur la ferme doit refaire l’intégralité de cette vaccination. Depuis quelques temps, des amapiens prennent en charge la confection des paniers de légumes à l’avance tout en respectant les gestes barrières et les mesures sanitaires. David nous précise que ça les aide beaucoup en cette période chargée à la ferme.
- Grégory Delassus, éleveur, Ferme du Beau Pays (Avesnois, Nord)
Pour Grégory, la période de confinement l’a privé de ses stagiaires et apprentis. Il a fallu organiser différemment le travail à la ferme. Du côté de son AMAP, les glacières de porc et de bœuf étaient habituellement préparées par les amapien·ne·s. Il a fallu se réorganiser, les bouchers salariés de la ferme ont réalisé les préparations des glacières. Quelques amapien·ne·s ont demandé un report de livraison de leurs glacières mais cela a été sans grande conséquence. Son débouché habituel dans les restaurants s’est arrêté et a été un peu compensé par de la vente en ligne et la vente dans les magasins. Grégory reconnaît volontiers qu’un confinement au calme à la ferme, « c’est moins dur que ce que d’autres ont vécu ».
- François Plotton, maraîcher (Oise)
Le retour de François est mitigé : il y a eu des coups de main de la part d’amapiens pour constituer les paniers, mais la préparation des paniers en amont de la livraison d’AMAP a tout de même généré un surplus de travail assez important. Heureusement, les deux AMAP de François se sont maintenues. Après quelques hésitations du côté d’une AMAP, les livraisons se sont finalement déroulées chez un amapien, ce qui a compensé avec la perte de convivialité induite par la mise en place des mesures barrière. Pour François, le soutien et la sécurité apportés par l’AMAP « vont sans dire ». François souligne que les AMAP permettent – tel que cela a été le cas pour lui – de soutenir les néo-ruraux dans le maintien de leur activité.
- Justine Bertoux, Ferme de la Paonnière, Boulonnais, Pas-de-Calais
Justine Bertoux, maraîchère en AMAP depuis 2019 pour l’AMAP des Guenels a vécu une « installation en période de confinement ». Justine devait profiter de la trêve hivernale 2020 pour réaliser son installation définitive sur une nouvelle ferme. Les entreprises qui devaient réaliser les travaux pour l’irrigation et le bâchage n’ont pas pu être disponibles aux dates prévues en raison du confinement. Résultat, son installation et sa mise en production ont pris du retard. Justine en a informé ses amapien·e·s qui ne se sont pas démobilisé·e·s et ont compris la situation. L’AMAP des Guenels a démarré les livraisons de légumes au mois de juin en ayant trouvé la totalité de ses adhérent·e·s pour cette année ! Ce retard d’installation et de mise en production, conjugué au soutien de ses amapien·e·s, a permis à Justine de faire un choix : alors qu’elle envisageait de vendre une partie de sa récolte sur les marchés et en Biocoop, Justine a finalement décidé qu’en 2020 l’intégralité de sa production sera livrée aux amapien·e·s ! Encore une belle preuve de solidarité entre citoyen·ne·s et paysan·ne·s dans notre réseau. Enfin, Justine nous précise que les amapien·ne·s prennent désormais en charge la préparation des paniers en respectant les gestes barrières et les règles sanitaires. Et c’est un grand soulagement pour elle.
Diagnostic Agriculture Paysanne et AMAP : expérimentation par AMAP HDF en partenariat avec Initiatives Paysannes
Avec la Charte des AMAP comme boussole, le réseau souhaite encourager les démarches d’amélioration des bonnes pratiques ainsi que le renforcement de l’inter-connaissance entre les paysans et leurs amapiens.
Le réseau des AMAP Hauts-de-France a mis en place un partenariat avec l’association Initiatives Paysannes dans le but d’accompagner les paysans en AMAP dans la réalisation d’un diagnostic « agriculture paysanne » en association avec leur(s) AMAP partenaire(s).
Destiné à tout·e paysan·ne souhaitant faire un point sur sa ferme, le diagnostic « agriculture paysanne » est un outil de réflexion permettant de se situer dans sa démarche d’agriculture paysanne et d’évaluer ses marges de progression, au regard des 6 axes de l’agriculture paysanne : autonomie de la ferme, répartition, travail avec la nature, transmissibilité, qualité des produits, développement local et dynamique territoriale. Vous trouverez des informations plus détaillées sur cet outil en suivant ce lien.
Le partenariat avec Initiatives Paysannes et les AMAP partenaires consiste à porter collectivement le coût du diagnostic et à organiser ensemble sa restitution auprès des amapiens. Les diagnostics sont généralement restitués devant un collectif de paysans. Intégrer les AMAP à la restitution est une formule originale et intéressante à plusieurs titres : elle a pour but de favoriser la connaissance de la ferme par les amapiens (au-delà de la visite classique de la ferme), de leur faire prendre conscience des enjeux de la ferme, de permettre aux paysans de communiquer auprès de leurs amapiens et de les informer de leurs questionnements et de leurs projets.
Depuis 2019, 4 diagnostics agriculture paysanne sont en cours de réalisation pour des paysans en AMAP : Willy Vindevogel dans la Somme, Sébastien Hincelin dans l’Aisne, Pierre Maclart dans l’Oise et David Cottret dans le Nord. Les restitutions ont pris du retard avec le confinement et devraient avoir lieu à l’automne.
Un bilan sera fait, en vue de poursuivre cette action dans les années à venir. AMAP ou paysan·ne, si cet outil et si la démarche vous intéressent, n’hésitez pas à nous contacter !
Orientation des porteurs de projet & primo-accueil
C’est certain, la crise du Covid a éveillé de nouveaux questionnements et de nouveaux intérêts. Pour certains, la création d’un partenariat en AMAP prend encore plus de sens qu’hier.
Aux côtés de nos partenaires du réseau INPACT, nous sommes prêt·e·s à accompagner les porteur·se·s de projet dans leur projet d’installation ou de sécurisation de leur commercialisation.
Nos sessions primo-accueil ont dû être remises à plus tard à cause du confinement. Les animatrices reprennent progressivement leurs missions de terrain (visites d’AMAP et de fermes). Les entretiens téléphoniques et les visites individuelles sont pour l’instant privilégiées. Nous programmerons de nouvelles sessions primo-accueil lorsque les conditions le permettront.
Une BD à venir : « Paysan en AMAP, pourquoi pas moi ? »
Vous vous souvenez de la BD « Amapien·ne, pourquoi pas moi ? » ? Vous êtes nombreux·ses à l’avoir lue, appréciée et diffusée.
En 2017, nous nous sommes réunis avec plusieurs réseaux d’AMAP et le MIRAMAP pour donner naissance à cette BD. On y suivait le cheminement de Gabriel qui découvre l’AMAP, son fonctionnement, ses valeurs, etc. A l’époque, l’idée de faire un deuxième volet destiné aux paysan·ne·s ou futur·e·s paysan·ne·s intéressé·e·s par le système AMAP avait été évoquée. Elle avait été gardée bien au chaud et a été remise à l’ordre du jour il y a maintenant plusieurs mois. Nous avons décidé de rejoindre le projet aux côtés des autres réseaux participants (AMAP Ile-de-France, AMAP Auvergne Rhône-Alpes, Alliance PEC Isère, MIRAMAP). Jean Leveugle, dessinateur de la première BD, était disponible et ravi de travailler de nouveau pour le mouvement des AMAP. Le confinement est arrivé, mais pas question de perdre du temps. Au contraire, nous avons profité d’être confinés et restreints dans nos déplacements pour avancer sur le projet.
Cette BD a pour but de présenter à des paysan·ne·s ou des futur·e·s paysan·ne·s le métier de paysan en AMAP : ses spécificités, les fondamentaux du partenariat en AMAP et comment l’AMAP peut jouer un rôle dans la vie et le développement d’une ferme (installation, aléas sur la ferme, création d’un nouvel atelier, conversion en bio, association, transmission, etc.). La BD est là pour aider un porteur·se de projet à cheminer et à se poser les bonnes questions (est-que ce type de partenariat est fait pour moi ?, les avantages et les contraintes, etc.)
Nous avons bien avancé pendant le confinement, la BD ne devrait pas tarder ! On vous tiendra bien sûr au courant !